Interview Surperfly X Diggers Factory

Interview Surperfly X Diggers Factory

7 oct. 2020

"Bonjour, je suis Manu Boubli de Superfly Records, magasin de disques exclusivement vinyle situé à Paris dans le 3ème. Niveau musique on est un disquaire généraliste mais quand même largement spécialisé sur les musiques noires au sens large du terme. C’est à dire qu’on va dire de la soul au jazz, en passant par l’Afrique, les Antilles, les musiques caribéennes, le reggae, le hip-hop. Et on fait à la fois de l’occasion, beaucoup, et une petite partie de disques neufs également."

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Y a-t-il une signification derrière le nom Superfly ?

Le nom de Superfly ça paraît assez évident, c’est une référence commune entre mon associé et moi, c’est le disque de Curtis Mayfield, la BO du film de blaxploitation des années 70, c’est un truc qui nous correspond beaucoup.

Vous avez ouvert le magasin en 2009, c’est bien ça ?

On a ouvert le sit en 2009. Mon associé avait déjà le site internet donc il vendait des disques au travers de Superfly.com depuis déjà une dizaine d’années. On s’est dit que c’était le bon moment pour avoir un endroit physique et réunir un peu la communauté des gens qui nous achetaient des disques depuis un moment.

Te souviens-tu du premier vinyle que tu as vendu ?

Je ne me souviens pas exactement du premier vinyle que j’ai vendu. Par contre je me souviens du premier samedi où on a ouvert, c’était un samedi le jour de l’ouverture. En fait ici c’est un quartier avec beaucoup de grossistes, donc on a eu un peu l’impression qu’on s’était trompé de jour, qu’on était dimanche, il n’y avait vraiment pas un chat dans la rue. Au final on a fait une très bonne journée parce qu’il y a plein de gens qui sont arrivés plus tard, mais au moment de l’ouverture à midi c’était vraiment le désert total. C’était assez drôle parce qu’on se disait “c’est pas gagné” et à la fin de la journée on avait déjà un autre avis.

Et donc en 2010 vous ouvrez le label…

En 2010 on a lancé le label. Moi j’avais déjà une expérience de label avant, j’avais lancé un label qui s’appelait Comète et j’avais travaillé avec Tony Allen. Et puis d’un autre côté on s’est demandé comment communiquer sur la boutique et la meilleure idée pour nous on se disait que c’était pas la pub faute de médias adéquats. Par contre si on place des disques avec notre nom dessus dans les meilleurs endroits de la planète, c’est à dire là où les gens vont acheter des disques, là ils vont être au courant de ce qu’est Superfly et là on aura du retour. Et donc en partant de là on s’est mis à rééditer des disques qui sont en général des disques assez difficiles à trouver ou extrêmement chers. L’idée c’était aussi de les rendre disponibles à un prix plus abordable pour les gens “normaux”.

Peux-tu nous en dire plus sur ton processus de fabrication ? Je sais que tu vas chercher tes pochettes au Japon…

Alors… mon associé et moi on est tous les deux des collectionneurs et on sait que si on peut pas avoir le disque original, la meilleure alternative c’est le pressage japonais. En qualité, en qualité de pochette, en qualité de son. Sur les disques où vraiment l’original est introuvable si on peut avoir un pressage japonais c’est déjà satisfaisant. On est parti de ce principe là, en se disant qu’on allait faire des disques que nous on aurait envie d’acheter et on s’est dit que si nous deux on a envie d’acheter ces disques là on va facilement trouver 1000 personnes dans le monde qui seront du même avis que nous. On fabrique à 1000 unités, on fait des tirages à 1000 fabriqués au Japon avec un hobby comme font les Japonais et le truc marche plutôt bien. A l’heure d’aujourd’hui on a fabriqué 31 000 disques et il doit nous rester 300 disques en stock, donc c’est plutôt pas mal.

Quelle est la dernière sortie sur votre label ?

Alors les deux dernières sont totalement épuisées. C’était un disque Haitien qui s’appelait Haizon… Par contre y en a deux nouvelles qui arrivent en septembre, donc là y a un disque d’un jazzman Français, ou plutôt un compositeur Français plus connu pour ses opéras et ses musiques de films. C’est un mec qui s’appelle Laurent Petitgirard et qui a 20 ans a fait un disque de jazz assez atypique, très joli. Le deuxième c’est du Poly-Rythmo du Bénin, qui est là aussi un disque un peu différent de ce qu’on a l’habitude d’entendre chez eux, parce que d’habitude ils font des longs morceaux à la Fela [Kuti] où y a un morceau par face. Et là c’est un recueil de 45 tours, donc vraiment de leurs tout premiers titres, beaucoup de petits morceaux, ce qu’on a pas l’habitude d’entendre avec Poly-Rythmo.

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Pour toi quel est le plus grand challenge aujourd’hui pour un disquaire indépendant ?

Le plus grand challenge d’un disquaire indépendant pour nous c’est toujours de toujours trouver des disques. Ça devient de plus en plus dur, les disques sont de plus en plus vieux, là je parle des disques d’occasion et c’est de plus en plus concurrentiel de trouver des disques dans le sens où un certain nombre de disques prennent de plus en plus de valeur. Aujourd’hui y a des commissaires-priseurs, y a plein de gens qui se sont greffés sur ce marché là alors qu’il y a 10 ans c’était très différent. Le vrai challenge c’est de trouver des disques parce que c’est ce qui fait que les gens viennent au magasin. C’est à dire que nous en étant anciens consommateurs de magasins on sait très bien que la priorité c’est de toujours avoir des disques frais, de toujours avoir de nouveaux disques dans les bacs, c’est ce qui permet au mec de venir toutes les semaines. Donc c’est ça le challenge, le challenge c’est d’avoir toujours des disques intéressants.

Quelle est la dernière trouvaille qui t’a fait vibrer ?

La dernière trouvaille qui nous a fait vibrer au magasin c’est un disque qui est sorti sur le label américain qui s’appelle Numero Group. C’est un label qu’on suit depuis le début là c’est quand même le Numero Group 196, donc ils ont sorti pas mal de disques. Là ils ont retrouvé le disque d’un groupe qui s’appelle 24-Carat Black qui n’était jamais sorti et là c’est leur troisième album. Ce groupe là ils ont sorti qu’un album officiellement. [Numero Group] avait déjà trouvé il y a une dizaine années un deuxième album qui n’avait jamais été sorti à l’époque et là ils ont retrouvé un troisième qui est juste magnifique. C’est toujours surprenant de penser que des disques comme ça sont jamais sortis mais on en trouve encore donc c’est génial. En plus c’est une vraie surprise donc définitivement le disque qui nous a fait le plus vibrer ces derniers temps.

Un album de reggae à écouter l’été ?

Alors un album de reggae pour écouter pendant tout l’été c’est en l'occurrence un album de dub qu’on adore, ça s’appelle “Java Java Java Java”. C’est parfait pour l’été : zen, tranquille, on peut se poser, prendre le soleil, un cocktail et l’album de dub face A, face B, ça coule tout seul.

Un groupe qui ferait la BO du magasin ?

Alors la BO du magasin on va pas être hyper original, on va pas prendre Superfly non plus mais on va prendre le premier album de Curtis Mayfield “Curtis”. C’est juste notre chanteur de soul préféré et puis ça c’est vraiment un chef d’oeuvre donc on peut l’écouter jusqu’au bout, jusqu’à la nuit des temps.

Quel est le vinyle qui ne quitte jamais ta platine en ce moment ?

Le vinyle qui ne quitte jamais ma platine depuis assez longtemps c’est Sun Ra, Sleeping Beauty. Je pense que depuis que j’ai découvert ce disque là, ça remonte à une quinzaine d’années, il est toujours près de la platine, pas très loin parce qu’il y a toujours un moment où écouter le morceau Sleeping Beauty ça devient nécessaire. Donc celui là… toujours très près de la platine.

Quel est le vinyle que tu voudrais léguer à l’humanité dans 200 ans ?

Alors là je sais pas si on va être très original mais sans doute l’un des plus grands disques de l’histoire de la musique… Marvin Gaye, “What’s Going On”. On peut pas se tromper, même si c’est dans 200 ans, même si c’est des extraterrestres qui sont là on peut toujours leur faire écouter ça, on a peu de chances de se tromper.

Pour finir, as-tu un mot pour les fans de vinyle ?

Juste “merci”. Sans les fans de vinyles des magasins comme le nôtre n’existeraient pas. Et puis c’est une drogue très douce mais qui peut t’accompagner toute ta vie, donc il ne faut pas hésiter. Ça reste une drogue agréable.