C’est dans les recoins les plus mystérieux du post-punk, de la new wave et de la goth-pop que The Cure est parvenu à faire muer les musiques alternatives en étendard du “mainstream”. Sur quatre décennies, le groupe de Robert Smith a su créer un kaléidoscope de genres, une esthétique aux mille visages, offrant ainsi des contrées flamboyantes à explorer pour d’autres musiciens.
Qui d’autre mieux que Marc Collin pouvait s’aventurer dans le labyrinthe musical des Cure ? La tête pensante de Nouvelle Vague s’y engouffre sur ce Strange as Angels, un voyage où il transcende le principe de la “cover”, à l’aide de la splendide voix éthérée de Chrystabell, par ailleurs muse de David Lynch. Produite, arrangée et conçue par Marc Collin, cette collection de reprises de The Cure est savamment tissée, éclairée à la lumière crépusculaire si chère au fondateur de Nouvelle Vague.
Pour la première fois, Marc Collin a circonscrit l’exercice de la reprise sur un seul groupe, réinterprété par une seule et unique artiste. “Pour moi, c’est venu comme une vision”, confie-t-il, “j’ai imaginé Chrystabell seule sur scène, chantant ces chansons”. Ce rêve éveillé, certainement inspiré par la profondeur esthétique et vaporeuse de la chanteuse et actrice développée dans la série Twin Peaks, s’avère salvateur tant sa voix, irréelle et si organique à la fois, confère une dimension énigmatique et impénétrable aux oeuvres des Cure.
Techniquement, Chrystabell a insufflé son élégance vocale naturelle à chaque nuance du phrasé si typique de Robert Smith. Le résultat est saisissant de finesse mélodique, de variations harmoniques graciles et subtiles, rendant ces interprétations très personnelles. Quant aux arrangements de Marc Collin, ils semblent dresser des ponts entre les univers de Lynch et de The Cure, ses héros des années 80, en fusionnant cordes, percussions et thérémine (le premier instrument électronique) dans un tourbillon gothique. On pense alors aux orchestrations de Bernhard Hermann pour ses musiques de films des années 30, ou à la créativité débridée d’un Edgar Varèse.
La sélection de ces titres des Cure fut totalement libre et soumise au libre arbitre de Marc Collin. La tracklist, de “Charlotte Sometimes” à “Friday I’m In Love”, en passant par “A Forest” ou “Lullaby”, n’est ici soumise qu’à une chronologie respectée des albums du groupe culte. Strange As Angels révèle ainsi les formidables nuances et sous-couches du répertoire des Britanniques, de la noirceur à la joie, de la profondeur à la légèreté.
Au final, l’intensité de The Cure est ici parfaitement capturée et réinventée par le prisme si personnel de Marc Collin, magnifiquement aidé par la tessiture charnelle et sibylline d’une Chrystabell au sommet de son art.